Entrée de l'école normale supérieure

Sélectivité des écoles d'ingénieurs et normales post-CPGE

15 juil. 2025

Chaque printemps, les listes d’admission tombent comme une pluie de confettis sur les cours des lycées : Polytechnique, ENS, Mines, Véto, Saint‑Cyr… Autant de drapeaux plantés sur la carte mentale des préparationnaires. Mais derrière l’éclat des podiums se cache une question souvent escamotée : quel est le niveau moyen des élèves qui intègrent réellement ces écoles ?

Depuis cinq ans, DAUR cartographie l’« attractivité » – cette probabilité qu’un candidat, ayant le luxe du choix, préfère l’école A à l’école B. Aujourd’hui, nous nous aventurons au‑delà de ce miroir et demandons : où se situe, dans la hiérarchie des concours, le niveau de la promotion type de chaque formation ?

Pour répondre, il faut plonger dans un océan de décisions individuelles, apprendre à y discerner les courants, puis en extraire une ligne d’horizon. C’est l’ambition de la présente étude.

Une méthodologie rigoureuse et inédite

Nous avons reconstitué les désistements croisés pour les principales filières de CPGE : MP, MPI, PC, PSI, PT, TSI, BCPST, TB, TPC, ATS Génie Industriel. Au total, ce sont 1 380 534 désistements qui ont été modélisés, sur 385 formations dans 177 écoles, couvrant tout le spectre : écoles d’ingénieurs, écoles vétérinaires, ENS, écoles militaires, etc.

Cette base de données a été rendue possible grâce à :

  • La collaboration directe avec de nombreuses écoles et banques de concours ;

  • La reconstitution méthodique des matrices à partir de données publiques : classements d’admission, rangs, statistiques d’intégration.

L’analyse repose sur un modèle log-linéaire. Ce modèle, bien connu en économie expérimentale et en théorie du choix, permet de calculer des scores d’attractivité relatifs à partir des préférences révélées entre paires d’écoles. Ce qui compte ici n’est pas la sélectivité brute d’une école (qui fera l'objet d'un prochain article), mais le fait que, lorsqu’un étudiant a le choix entre deux écoles, il choisit l’une plutôt que l’autre.

Du score d’attractivité au rang moyen d’intégration

Pour passer de l’intention au niveau académique, trois opérations cruciales :

  1. Détermination de la courbe de probabilité d'inscription aux concours : nous avons filière par filière (MP, MPI, PC, etc.) analysé les différents concours pour déterminer la probabilité d'inscription selon le rang de l'étudiant (modélisé par un fonction en ln(e(x)+1) paramétrée) ;

  2. Simulation filière par filière : nous « rejouons » chaque concours comme si tous les candidats s’étaient inscrits à toutes les épreuves. La probabilité d’inscription d’un élève de rang  est modélisée par la fonction – manière élégante de lisser les extrêmes sans effacer l’élitisme structurel des CPGE ;

  3. Consensus inter‑filières : une école n’a qu’une seule exigence, quel que soit le concours. Nous alignons donc les rangs du dernier admis entre filières (MP ↔ PC ↔ BCPST, etc.) et résolvons un système d’équivalences pour émerger avec une échelle commune.

Au terme de ce double passage, chaque formation se voit attribuer un Rang Moyen d’Intégration – résumé en un seul nombre de la position moyenne de ses admis dans la grande caravane des 26 551 classés.

Résultats

Niveau moyen des écoles scientifiques post-CPGE 2024

Remarque : ici ne sont pas affichées les écoles intégrant moins de 30 étudiants post-CPGE, les écoles sont affichées selon leur formation principale hors formations spécialisées (comme Mines Saint-Etienne - ISMIN) et hors apprentissage (comme CentraleSupélec, ENSTA ou ECE).

Une tête de classement sans surprise… mais pas sans nuance

Inutile de feindre l’étonnement : l’École polytechnique, Mines Paris, CentraleSupélec à coté des ENS campent au sommet suivie par les spécialisées ESPCI, Ponts, ENSTA, Supaéro, Télécom. Pourtant, contrairement à l’analyse d’attractivité, le rang moyen d'intégration dessine une pente plus douce : passer de l’X à CentraleSupélec ne réclame « que » quelques rangs supplémentaires – un pas quand l’attractivité suggère un saut.

Ainsi une linéarité apparente s'installe sur tout le long de ce "classement" dès que le dernier admis à l’X est affecté, les places se remplissent immédiatement aux Mines, puis à Centrale, etc. L’écart d’attractivité est grand, mais le niveau moyen progresse de façon quasi continue.

Ensuite le classement se poursuit de façon linéaire, c'est la dispersion des candidats qui changent

Le principe de succession des places aux concours continu, les Centrales de province, les IMT, les INP, les Polytech, etc. et ce de façon linéaire.

Cependant quand on observe le ratio de dispersion :

Plus on se rapproche de 1 plus cela signifie que les admis n'ont pas été admis à l'école au-dessus et que l'école n'a pas subi de désistement vers les écoles d'en dessous, à l'inverse quand on a des ratio plus élevé soit l'école intègre des étudiants admis dans les meilleurs écoles et/ou subi des désistements vers d'autres écoles, soit l'école a des exigences d'intégrations hétérogènes selon les filières de prépa.

Sur ce critère, contrairement à la seul interprétation du rang moyen d'intégration, il y a une variation forte entre les écoles du top 20 et les écoles suivantes. Pour les écoles du haut du tableau on se rapproche de 1 (X : 1,3 ; CentraleSupélec : 1,8 ; Ponts : 8,6) à l'inverse dans le reste du tableau la dispersion est beaucoup plus importante (Phelma : 36,2 ; Supméca : 50 ; ENSEA : 90 ; ESTIA : 48).

Qualité et données utilisées pour l'étude

Vous retrouverez le détail exhaustif des données utilisées et de leur qualité respective dans l'article sur l'attractivité mis à jour :

https://www.daur-rankings.com/blog/attractivity-engineering-2025

Au total, la couverture de la base est de 99 % des intégrés et atteint 94 % de fiabilité moyenne, ce qui en fait l’étude la plus complète jamais menée mais aussi de loin la plus fine sur l’attractivité réelle des écoles d’ingénieurs.

Pierre Quiros
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Pierre Quiros